Félicitations à tous les participants à la clôture du jour.
Nous avons vu, dans l'article d'hier, deux différents types de devis pour les mêmes obsèques. Plusieurs centaines d'euros les séparaient à prestations identiques. Pourquoi ? Eh bien, la réponse est simple : ça dépend à qui vous avez affaire.
Distinguons deux sortes d'entreprises de pompes funèbres. Ceci est très schématique : il en existe en fait plus que ça, mais, grosso modo, elles se rapprochent toujours plus ou moins de ce descriptif.
Premier type (auquel appartient le devis 1 d'hier) : le grand groupe national.
Le meilleur exemple est l'opérateur funéraire numéro 1 sur le marché. Ici, il s'agit d'une seule et même société, les boutiques sont des filiales, il existe plusieurs niveaux hiérarchiques, et tous aboutissent à une seul et unique siège, sur lequel est assis un directeur nommé par un conseil d'administration. En dessous de lui, un numéro 2, un numéro 3, quelques directeurs de services, des chefs de services, puis des directeurs de régions, qui chapeautent dans les faits quatre ou cinq régions chacun, des directeurs de secteurs, qui gèrent grosso modo un département, des directeurs de marque, qui gèrent plusieurs agences, et ensuite, on se retrouve soit avec un directeur d'agence, qui va être au contact des assistants funéraires, soit au directeur technique, qui va être au contact des thanatos, porteurs, etc... soit un directeur de centre serveur marbrerie, qui s'occupera des marbriers.
En gros, si vous partez du chef, vous serez passés par une dizaines de paliers hiérarchiques, chacun comptant entre dix et cinquante personnes, avant de tomber sur un gars qui fait effectivement un boulot de croque-morts.
L'échelle des salaires est inverse : si l'on prend un salaire de base moyen de 1100 euros net pour un assistant funéraire ou un agent de funérarium, on peut le multiplier par deux à chaque fois qu'on grimpe un échelon. Traduction : mois vous êtes productif sur le terrain, plus vous êtes payés. D'un point de vue hiérarchique, cela signifie aussi qu'un petit comptable qui fait ses sept heurs à Paris sera apte à donner des ordres à un croque-morts qui gagne la moitié de son salaire et doit rester disponible sept jours sur sept, et du travail de qui dépend le salaire du comptable sus cité.
Ce genre de groupe est un grand bateau ivre : chacun, au siège, établit un certain nombre de procédures pour se simplifier la vie, qui doivent être appliquées sur le terrain. Au niveau opérationnel, les croque-morts se voient donc affublés de tout un tas de notes de services, parfois aberrantes, qui phagocytent jusqu'à la moitié de leur temps de travail. Pour que ce genre de groupe soit apte à ètre dirigé depuis une seule entité, de surcroit, les tarifs et procédures sont uniformisés. D'une station balnéaire très riche du sud de la France à une ville ouvrière du Nord, les tarifs et les cérémonies sont les mêmes.
Le groupe est par ailleurs propriétaire de sa propre usine de cercueils. Ce qui peut sembler être un avantage pose un problème de lenteur : lorsque la gamme est dépassée, le temps d'étudier de nouveaux modèles, de les agréer, de vérifier faisabilité, rentabilité etc... Il faut trois ans entre le moment ou quelqu'un se dit « tiens, et si on changeait une peu la gamme ? » et le moment ou les nouveaux modèles sont disponibles en agence. Un artisan, il lui suffit d' écluser son stock et de trouver un nouveau fournisseur, soit moins d'un mois.
Il faut donc, sur la facture, gagner de l'argent pour couvrir les frais, payer les salaires, non seulement des croque-morts, mais aussi de touts les administratifs, directeurs, adjoints, etc... Leurs voitures de fonctions, les bâtiments pour abriter tous ces gens-la. Et il faudra qu'il en reste assez pour satisfaire les actionnaires. Tout est géré , on pas comme une entreprise de pompes funèbres locale, qui avant tout surveille sa réputation, mais comme un centre de profit, qui considère que l'information principale est sa rentabilité.
Une telle structure ne présente, bien entendu, pas que des inconvénients. Elle possède sa formation interne, et je sais pour en sortir, que lorsqu'on a été formé chez eux, c'est un sésame qui ouvre bien des portes. Elle possède aussi une logistique impressionnante. Lorsqu'un avion s'écrase, qu'on a besoin de monter une chapelle ardente, un funérarium avec des thanatos apte à aider les légistes pour les prélèvements destinés aux identifications, une centaine de véhicules équipés pour les transports de corps, quelques centaines de porteurs pour s'occuper des défunts, de dizaines d'assistants pour gérer les formalités de rapatriements, et qu'on en a besoin tout de suite, inutile de réfléchir : c'est eux qu'il faut appeler. Cinq heures plus tard, tout est en place et parfaitement opérationnel.
Les deux inconvénients majeurs sont, pour la société elle-même une lenteur prohibitive, et pur le client, des coûts très élevés, qui n'existent pas ailleurs et ne lui confèrent aucun avantage particulier en contrepartie.
Second type : l'indépendant.
Variante un : le gros indépendant.
Il existe deux genre d'indépendants. Le premier, c'est le gros indépendant. Il est seul, parfois avec un ou deux associés, souvent en famille, il possède plusieurs boutiques sur un secteur géographique précis, souvent rural. Son modèle ne fonctionne pas en ville. Il est implanté sur le secteur, les gens ne connaissent que lui. Il est réactif, prend les décisions immédiatement, peut s'adapter à tout, tout en possédant un potentiel commercial suffisant pour obtenir de très bonnes conditions de ses fournisseurs.
Il ne craint pas la concurrence : s'implanter sur une partie de sa zone ne serait pas viable, parce que cela ne représente pas assez d'activité pour faire vivre deux sociétés. La seule solution serait de venir occuper toute sa zone de chalandise, ce qui représente des moyens financiers que peu ont, et pour une rentabilité sur du trop long terme.
Il peut alors choisir deux attitudes : honnête ou salopard.
Le salopard profite qu'il est seul pour s'en mettre plein les poches. Il augmente les tarifs des cercueils lorsqu'il a envie de changer sa Mercedes. Les gens vont chez lui uniquement parce que les autres sont loin. Son espérance de vie est moyenne : le jour ou un concurrent plus combattifs que les autres décide de venir s'implanter chez lui, le glas sonne pour le salopard : les familles sauteront sur l'aubaine.
L'honnête travaille bien, à un tarif raisonnable. Il connaît le monde, a enterré le père et enterrera le fils, Lorsqu'un concurrent vient s'implanter chez lui, il va se présenter en emmenant le champagne, et lui souhaitera sincèrement bonne chance. Lorsque son concurrent mettra la clef sous la porte, il rachètera son matériel à bas prix.
Il a tendance à bien payer ses employés : les former coûte cher, il doit donc s'assurer de les garder longtemps, et, en cas de pépins, doit pouvoir s'appuyer sur des gens compétents et fidèles, capables de faire tourner la boutique sans lui.
Les deux connaissent en général la même fin : ils vendent leur société au grand groupe national, et filent avec leur gros chèque couler des jours paisibles au soleil.
Variante deux : le petit indépendant.
Il a du mal à exister, il a du mal à vivre, au début. Il ressemble au gros indépendant sans la situation de quasi monopole. Lui aussi est réactif, mais a peu de moyens logistiques ou de négociations. Il doit aussi s'appuyer sur des employés fidèles, et donc les rémunérer correctement, pour les mêmes raisons. Il n'a pas le choix : ses armes sont des tarifs raisonnables, voire franchement bas par rapport aux autres, et une compétence sans faille. Jour et nuit, sept jours sur sept, il a son téléphone avec lui, et saute de son lit pour aller chercher un corps. Il sait qu'il lui faut faire six ou sept convois pour gagner de quoi payer ses charges, et après, seulement, il pourra espérer se verser un salaire.
Il sait que pour continuer, il devra grossir, acheter encore et toujours plus de matériel, renouveler l'ancien, continuer à s'endetter. Si sa réputation est bonne, alors il pourra gagner assez d'argent pour s'offrir une belle voiture et une piscine dans son jardin, mais qu'il suffit d'un seul faux pas, un convoi raté, un entrefilet dans le journal, pour ruiner sa notoriété et couler sa boîte.
Les gens viennent chez lui parce qu'ils savent qu'ils auront du bon boulot pour pas cher.
Bon, j'en vois, des collègues professionnels, qui font des bonds sur leur chaise. Comme je le dis, c'est de l'archétype. Et qu'en est il des franchisés ? Je les classe dans les indépendants. Première ou seconde catégorie, c'est selon les cas.
Mais vous, clients lambda, dites vous bien une chose : les pompes funèbres ont un coût. La gratuité n'est possible qu'aux prix de sacrifices que vous n'êtes pas prêts à consentir. C'est ce que nous verrons demain, dans la conclusion.
Mais dite vous que si certains sont chers, c'est qu'ils en ont les moyens. Soit parce qu'il n'y a qu'eux, mais dans ce cas la, pourquoi n'appelez vous pas plus loin ? Il se trouvera toujours un confrère prêt à se déplacer, soit parce que VOUS pensez que la petite boutique pas chère, ça cache quelque chose, alors que cette grande enseigne nationale que vous avez soit vu dans la publicité à la télé avant Derrick (ou les ''Feux de l'amour'') ou que vous connaissez depuis tout le temps parce qu'avant, c'était la régie municipale, sont les seuls à faire du bon boulot. Dans ce cas, et seulement lorsque vous aurez imprimé que les pompes funèbres sont un service qui se paie, vous pourrez peut être enfin comprendre que le seul responsable d'une facture trop élevée, c'est vous, et uniquement vous.
(à suivre... une dernière fois)